Lettre ouverte sur la Responsabilité des Gestionnaires Publics
La CGT Finances Publiques a interpellé la nouvelle DG sur la Responsabilité des Gestionnaires Publics
Suite à des demandes répétées pour obtenir des informations sur la Responsabilité des Gestionnaires Publics (RGP), vous avez fait parvenir au réseau une instruction sur la procédure de signalement auprès des ordonnateurs, faculté offerte aux comptables publics dans le cadre de la responsabilité des gestionnaires publics.
Mais il est bien dommage que tout cela arrive un an après la mise en oeuvre de la réforme et avec un texte qui nous apparaît bien plus générateur d’interrogations que de solutions. Bref, nous sommes loin d’être convaincus par vos réponses !
En premier lieu, si cette instruction porte sur le secteur public local, qu’en est il de la sphère dépense état ? Pas de procédure de signalement pour les CBCM ou pour les services dépenses, assignataires des dépenses des différents ministères ? Un texte est-il prévu ou doit-on comprendre qu’il n’y a pas de signalement dans la sphère état et donc pas de préjudice grave et significatif ?
Notre seconde interrogation porte sur le terme utilisé dans l’instruction de « faculté » de signalement. Nous comprenons que la responsabilité du signalement porte sur le comptable, qu’il n’y avait pas de grille d’analyse unique au vu des possibilités ouvertes.
Mais que se passe-t-il si le comptable n’use pas de sa faculté de signalement jugeant qu’il n’y a pas de préjudice grave et significatif ? Quelle est sa responsabilité et donc les conséquences de ce choix ?
Bien évidemment, vous pourriez répondre qu’au final cela dépend de la décision de la CRC. Mais c’est bien une charge que porte le comptable face à l’ordonnateur : soit il signale tout ce qui pour lui amène un préjudice grave et significatif au risque de « détériorer » sa relation avec l’ordonnateur, soit il fait des choix et doit vivre avec le risque que sa responsabilité soit engagée à terme . Est-ce bien l’alternative proposée ?
De plus, vous ne précisez pas dans cette instruction comment cette faculté s’applique dans les organisations dites innovantes que vous promouvez (SFACT, Agence comptable, etc.). Or dans ces services la séparation ordonnateur/comptable est diluée et implique un fonctionnement intégré qui pourra difficilement survivre à ce type de signalement . Qui peut croire qu’un ordonnateur va continuer de travailler avec un comptable qui l’aura mis face à ces difficultés et contradictions ?
Pour la CGT Finances Publiques, il existe, de plus, un risque de distorsion selon le poids politique des élus à la tête des exécutifs locaux. Évidemment le signalement s’adresse aux services administratifs d’une collectivité… Les candidatures à la plus haute responsabilité de l’État par des responsables d’exécutif locaux se multiplient. Dans ce cadre, quelle garantie donne la direction générale aux comptables de son soutien face à des opérations qui pourraient donner lieu à une condamnation dans le cadre de la nouvelle RGP ?
Oui, Madame la Directrice, quelle garantie ont les comptables que leur N°1, et plus globalement la DG, les soutiendront dans leur démarche face à des élus ? Car évidemment, face à un signalement non suivi, c’est bien la démarche de contrôle du comptable qui serait affaiblie.
Prenons l’exemple concret d’un ordonnateur qui annonce réaliser une opération (quel qu’elle soit) en dehors de sa compétence.
Aux yeux de la CGT Finances publiques, réaliser une opération hors de son champ de compétence est susceptible d’entraîner un préjudice grave et significatif. Le comptable doit alerter mais qui le soutient ? Qui le soutient si en plus localement ou nationalement cet élu a un poids et une caisse de résonance médiatique qui amènera à ce que le comptable de la DGFIP soit en premier ligne.
Le positionnement de la direction générale comme « à minima cabinet de conseil pour groupes de pression », ne nous incite pas à l’optimisme sur la volonté de la DG à faire respecter les contrôles quotidiens effectués par les comptables.
Prenons un autre exemple : un ordonnateur d’une commune décide de construire un centre aquatique alors que la communauté de commune locale possède la compétence en matière de piscine. La délibération est validée et le centre se construit avec des subventions d’autres collectivités. Là encore pour le(s) comptable(s), comment exercer son devoir d’alerte là où les services préfectoraux ont pu valider une délibération qui ne rentre pas dans le cadre des compétences de la collectivité. Et cela interroge sur les relations avec les comptables des subventionneurs.
Pour pouvoir comprendre ce qu’implique votre réforme, nous avons besoin de réponse claire et pas simplement d’un renvoi vers une jurisprudence future. Jurisprudence qui pourra avoir des conséquences individuelles lourdes sur les agents de la DGFIP. Or votre instruction sur la faculté de signalement n’y répond pas.
Peut-être parce qu’une nouvelle fois on a voulu avec la RGP faire une politique de communication sans réfléchir au quotidien de ceux qui travaillent sur les sujets ? Car en réalité, la réglementation en matière de dépense et de recettes des collectivités locales n’a pas changée, et aux yeux de la CGT Finances Publiques, il s’agit bien de l’appliquer, voire de la renforcer, pour permettre un réel contrôle de celles-ci.
Or l’affichage de la RGP, c’est de permettre plus de liberté pour les décideurs publics, c’est-à dire en langage réaliste : une adaptation des contrôles en fonction des moyens. Or dans le même temps, depuis 20 ans les politiques menées n’ont eu de cesse de diminuer les moyens donnés aux administrations de contrôle de l’Etat.
Pour la CGT Finances Publiques, un comptable ne peut déroger à la loi.
Mais à l’heure actuelle, l’ensemble des textes autour de la RGP ne nous permettent pas d’avoir « l’assurance raisonnable » (selon tes termes de la DGFIP) que cette réforme ne se traduise pas par une mise à mal du contrôle des dépenses et recettes.
À vous, Madame la Directrice Générale, de nous apporter des éléments concrets et probants de la volonté que cette mission reste au coeur de la DGFIP.
Case