Tribune - Il y a une alternative à l’austérité budgétaire : c’est la justice fiscale, monsieur Barnier
Imposer les plus fortunés et les superprofits, supprimer les privilèges fiscaux, renforcer les moyens de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales… sont autant de pistes pour rééquilibrer un système fiscal mis à mal par les politiques néolibérales impulsées par Emmanuel Macron. La CGT co signe cette tribune en vue des discussions autour du projet de loi de finances 2025.
Engager des coupes budgétaires drastiques tout en se refusant « en même temps » d’imposer les plus riches et les grandes entreprises : telle est l’orientation de la politique fiscale injuste et inefficace impulsée par Emmanuel Macron.
Le président de la République a eu beau reconnaître le problème que pose la diminution des recettes fiscales, il a pourtant déclaré qu’aucune augmentation d’impôt n’était envisagée.
En qualifiant l’idée d’une hausse d’impôt de « maladie française », il a confirmé qu’il n’y avait, à ses yeux, aucune alternative à l’austérité budgétaire. Loin des aspirations des Français·es qui sont favorables, selon les enquêtes d’opinion, à des hausses d’impôts à condition qu’elles ciblent les entreprises qui font le plus de profits et les plus aisés.
Ce choix a déjà eu de lourdes conséquences : les financements des services publics, de la protection sociale et de la lutte contre le dérèglement climatique sont frappés de plein fouet. Si cette politique fiscale était maintenue, il est à prévoir que les besoins sociaux et écologiques seront une fois de plus sacrifiés sur l’autel de l’austérité, aggravant davantage les inégalités.
Dans une période d’affaiblissement du consentement à l’impôt, de distension du lien social, d’inquiétude face à l’avenir, l’extrême droite ne peut que tirer profit de cette politique injuste et injustifiée. Le chef de l’État, qui entend imposer ces vues malgré des désaveux électoraux et une situation politique complexe qu’il a lui-même créée, porterait alors une responsabilité immense dans cet échec global, démocratique, social, économique et écologique.
Répondre aux urgences sociales et écologiques
Sourd aux attentes d’une immense partie de la population, le gouvernement a multiplié les attaques contre notre modèle social, pourtant déjà bien fragilisé. Il a engagé un plan de coupes budgétaires qu’il entend mettre en œuvre coûte que coûte pour 2025. Le financement des urgences sociales et écologiques est clairement dans le viseur : aux 10 milliards d’euros d’économies prévues pour 2024 pourraient s’ajouter 16 milliards d’euros d’économies supplémentaires qui toucheraient notamment le travail et la transition écologique. Le choix des secteurs visés est éloquent…
Pendant ce temps, des coups répétés sont portés au logement social, au financement de l’hôpital public et de la protection sociale, et le ministre démissionnaire de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a engagé au cours des derniers mois un travail de sape de la fonction publique en remettant en cause le statut des fonctionnaires, l’un des piliers du modèle social français. Rarement un pouvoir n’aura été aussi dogmatique dans ses choix.
Face à cette orientation écologiquement, socialement et économiquement délétère, de nombreuses voix s’élèvent pour formuler des propositions à portée de la main visant à rétablir le principe de justice fiscale et rééquilibrer un système fiscal mis à mal par les politiques néolibérales.
À l’évidence, un tel rééquilibrage permettrait de combattre les inégalités et de renforcer le consentement à l’impôt, pilier d’une démocratie digne de ce nom. Il permettrait également de dégager les recettes nécessaires pour répondre aux besoins sociaux, relever les défis écologiques et énergétiques et contribuer à la solidarité à l’égard des pays du Sud Global, en première ligne du dérèglement du climat.
Une solution : la justice fiscale
Pour faire face à ces enjeux, nous avons besoin d’une action publique ambitieuse et d’une meilleure répartition fiscale. Nous rappelons à ce titre plusieurs principes :
- l’action publique et la protection sociale doivent avoir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins de la population et pour préserver l’environnement ;
- les choix fiscaux et budgétaires doivent poursuivre la satisfaction de l’intérêt général et non des intérêts particuliers, ils doivent faire l’objet d’un véritable débat citoyen ;
- une fiscalité plus juste suppose de mettre à contribution les personnes et les entreprises de manière progressive, en fonction de leurs richesses et de leurs capacités contributives.
Cela suppose de rétablir l’égalité devant l’impôt et de combattre résolument son évitement.
Sur cette base, et pour répondre au « ras-le-bol des injustices fiscales », plusieurs pistes se dessinent pour engager, à court terme, un rééquilibrage :
- d’abord mettre davantage les plus fortunés à contribution à travers une imposition du patrimoine juste et efficace.
- Ensuite, mettre fin aux privilèges fiscaux nuisibles à l’environnement et bénéficiant aux plus riches, mieux imposer les rentes de toutes sortes, comme les superprofits et les superdividendes, défendre la nécessité d’une véritable taxe sur les transactions financières et d’un relèvement de l’imposition des multinationales au sein de l’Union européenne,
- et enfin renforcer à tous niveaux les moyens de lutte contre les différentes formes d’évasion et de fraude fiscales.
Ces mesures sont légitimes et nécessaires.
Nous appelons à participer aux différentes initiatives qui seront engagées pour défendre leur mise en œuvre, en particulier à l’occasion de la discussion sur le projet de loi de finances 2025.
Nous appelons également la population à s’emparer de ces questions qui n’appartiennent qu’à elle, pour qu’un vrai débat citoyen s’engage et débouche sur des mesures de justice qui permettraient ainsi de « refaire société ».
Listes signataireshttps://www.cgt.fr/actualites/franc...